Emplois, rentabilité, attractivité : le secteur pharmaceutique lui aussi sous tension



Lundi 10 Juillet 2023

Les médias parlent abondamment du mal-être du secteur hospitalier, des infirmières et des médecins généralistes. Mais le secteur de l’industrie pharmaceutique est lui aussi victime d’une crise systémique qui a laissé sur le carreau de nombreux visiteurs médicaux, partout sur le territoire français. Pour eux, une seule solution : la reconversion.


Le mal est profond et ne date pas d’hier. En 2015 déjà, L’Usine Nouvelle consacrait une longue enquête sur un métier durement touché : celui des visiteurs médicaux, ces salariés des grands groupes pharmaceutiques chargés du contact de terrain auprès des médecins pour leur donner les informations essentielles concernant l’utilisation des médicaments. Un an plus tard, Mediapart y allait de son ironie mordante avec une autre enquête, intitulée « Les visiteurs médicaux se meurent, une bonne nouvelle ? » soulignant alors que le nombre de ces professionnels avait été divisé par deux entre 2012 et 2016.
 
Tous les grands labos licencient
 
Une bonne nouvelle ? Pas vraiment, d’autant que l’hémorragie a continué depuis, malgré les appels du LEEM (Les Entreprises du médicament) réclamant davantage d’effectifs. « Nous pensons que l’information promotionnelle sur le médical ne va pas disparaître mais qu’elle va se transformer, expliquait en 2017 Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales et industrielles du LEEM. Nous prévoyons un besoin de 8000 à 9000 collaborateurs d’ici 2020, mais avec des profils différents de la génération actuelle de visiteurs médicaux. » Il n’a pas été entendu.
 
Ces dernières années, les laboratoires ont donc continué de licencier leurs visiteurs médicaux représentant leurs produits. La transformation espérée n’est jamais arrivée. En 2019, Sanofi a ainsi taillé dans le vif avec 232 postes sacrifiés sous prétexte de « réorganisation et d’adaptation afin de préserver sa compétitivité et de mieux répondre aux attentes des professionnels de santé ». Le géant français estimait alors ne pas avoir le choix à cause de la « profonde transformation du secteur de la santé en France » et a donc réduit la voilure en se concentrant sur les médecins spécialisés – pour les médicaments anti-cancéreux par exemple – plutôt que sur les médecins de ville. Résultat : 60% des effectifs en moins parmi les visiteurs médicaux.
 
Même chose chez Novartis qui a drastiquement réduit ses équipes en 2022 ou au laboratoire Roche qui avait été le premier à épurer ses équipes commerciales dix ans plus tôt. La tendance est générale. Dans tous les cas de figure, les grands groupes pharmaceutiques avancent un argument : la tendance des médecins à prescrire des médicaments génériques qui, par définition, ne sont plus porteurs économiquement pour les fabricants. Une fabrication qui s’est, de plus, largement délocalisée comme le montrent aujourd’hui les crises d’approvisionnement de médicaments basiques comme le Doliprane ou l’Amoxicilline.
 
Des crises en cascade
 
Mais l’avènement des génériques n’explique pas tout. Ces quinze dernières années, les pouvoirs publics ont également mis en place des réglementations draconiennes pour entourer le métier de visiteur médical. Des réglementations qui n’étaient pas toujours du goût des laboratoires pharmaceutiques. « Chaque secteur industriel est régi par un cadre réglementaire qui définit les opportunités de développement d’outils et de services de communication, avance Mélanie Lac, consultante sur la practice Marketing et Expérience Consommateur chez Sia Partners. La pharmaceutique a évidemment son lot de réglementations qui contraignent donc les visiteurs médicaux dans leur stratégie commerciale. Depuis près de 10 ans, les évolutions du secteur pharmaceutique transforment le mode de fonctionnement des forces commerciales des laboratoires pharmaceutiques. Les visiteurs médicaux et les délégués hospitaliers font face à plusieurs défis qui relèvent de la mutation de leur métier. » Les crises sont multiples et celle du Covid-19 n’a évidemment rien arrangé.
 
Face à toutes ces difficultés et à ces vagues de licenciement, bon nombre de visiteurs médicaux – qui disposent d’un bagage évident en connaissances médicales – ont donc cherché à se reconvertir.
 
Question de reconversion
 
D’autres ont été tentés de lancer leur propre entreprise. Et les possibilités dans ce domaine s’avèrent parfois intéressantes. C’est le cas par exemple de Rémy Legrand, fondateur du réseau RNPC, qui s’est spécialisé dans le traitement et le suivi des patients atteints de surcharge pondérale et de comorbidités associées. Un vrai fléau dans les sociétés occidentales puisqu’à l’origine du diabète, du cholestérol ou d’une multitude de maladies cardiovasculaires. Selon lui, les visiteurs médicaux constituent des candidats très intéressants pour lancer des projets dans le secteur de la santé : « Ma carrière dans l’industrie pharmaceutique m’a permis d’avoir une vision assez large de la question : en tant que visiteur médical, j’ai présenté des médicaments à des médecins pendant des années et je comprends donc parfaitement ce qu’un médecin attend d’une thérapeutique. En parallèle, dans le cadre de mon activité à l’hôpital, j’ai été formé à la mise en place d’études cliniques et suis devenu Attaché de Recherche Clinique (ARC). Puis, plus tard, en tant que directeur régional de Biopharma, j’ai recruté, formé, et géré des équipes de visiteurs médicaux, explique le dirigeant. Mon parcours m’a permis de développer une vision transversale des différentes activités des laboratoires pharmaceutiques : commerciale, recherche, et management. Un parcours et des expériences qui ont forgé mes compétences pour que le réseau RNPC devienne aujourd’hui le correspondant de référence des médecins dans la prise en charge de la surcharge pondérale et de ses complications. » Un bon exemple de reconversion réussie, attirant d’autres candidats issus du même secteur dans le réseau de franchise du Groupe Éthique & Santé.
Le réseau RNPC compte aujourd’hui 112 directeurs de centre dont plus de 80% sont issu de l’industrie pharmaceutique.
 
D’autres possibilités de reconversion existent. Le groupe Studiosanté a lui aussi attiré de nombreux personnels de l’industrie pharmaceutique, comme les visiteurs médicaux ou les délégués hospitaliers. « Après 15 années passées dans l’industrie pharmaceutique et la prestation de soins à domicile, j’ai décidé de créer mon entreprise et de rejoindre la franchise Studiosanté, un réseau de coordination nationale de soins à domicile, explique Frédéric Cancel, ancien délégué hospitalier expérimenté. Un peu plus de 2 millions de Français ont eu recours l’année dernière à une prise en charge à domicile, et ce chiffre va aller en augmentant. Il y a 6 ans, j’étais dans la recherche quasi-obsessionnelle de limiter les risques liés à la création d’entreprise. Le modèle économique proposé par la franchise a répondu à mes attentes. » Frédéric Cancel liste ainsi les avantages de la franchise : la transmission d’un savoir-faire éprouvé, l’aide à la création de l’entreprise, une formation initiale, avantages que l’on retrouve également dans le réseau de franchise du Groupe Éthique & Santé.
 
Le secteur médical dans son ensemble est donc aujourd’hui amené à se réinventer. Le début de l’année 2023 – avec la grève des médecins libéraux et la crise des urgences – n’est que la partie visible de l’iceberg pour le grand public. Dans l’industrie pharmaceutique, l’évolution des pratiques va continuer de bouleverser plusieurs métiers. Les visiteurs médicaux sont bien placés pour le savoir. À eux de trouver les bonnes opportunités de reconversion.
 








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