Les défaillances d'entreprises deviennent chroniques



Jeudi 10 Juillet 2025
Anton Kunin

La France comptabilise 16.586 défaillances d’entreprises au deuxième trimestre 2025, un chiffre à peine supérieur à celui de 2024 à la même période (+1,3%), nous apprend le cabinet Altares. Cette stagnation apparente cache mal une vérité plus rugueuse : on ne monte plus, mais on ne descend pas non plus. On reste en haut. Et on s’y habitue.


La restauration, les transports et le médico-social, champions des dépôts de bilan

Les dépôts de bilan n'augmentent plus en France, mais restent tout de même à un niveau assez élevé : 16.586 cas au deuxième trimestre 2025 très exactement, a comptabilisé le cabinet Altares. Derrière cette stabilisation statistique se joue un autre phénomène, plus insidieux. Ce n’est pas une accalmie, c’est une usure. Les petites structures – notamment celles employant entre 6 et 19 salariés – voient leurs défaillances bondir de 10%. Dans le même temps, les très grandes entreprises, celles de plus de 100 salariés, tombent à leur tour, enregistrant une hausse de 29%. Loin des projecteurs, le tissu productif s’effrite. Les fermetures ne sont plus des accidents isolés mais des séquences routinières. Le phénomène devient structurel.

Ce sont toujours les mêmes qui vacillent en premier. La restauration traditionnelle s’enfonce avec +21% de dépôts de bilan. Le transport de voyageurs s’effondre (+49%), emporté par une rentabilité impossible à maintenir. Le secteur sanitaire et social, censé être stable, encaisse un choc de +31%. Une hausse brutale qui touche des structures clés : cabinets médicaux, établissements pour personnes âgées, ambulances. Et pendant ce temps-là, le commerce de détail tente de surnager. Le BTP donne des signes de résistance. Mais personne n’est à l’abri.

Moins de procédures de sauvegarde, davantage de redressements et 65.000 emplois menacés

L’analyse des types de procédures souligne une autre tendance : les sauvegardes judiciaires, ces outils censés éviter le naufrage, reculent fortement (-16,1%). Les redressements, eux, progressent (+7,5%). Quant aux liquidations, elles restent le mode de sortie majoritaire. Résultat : sur le terrain, la justice commerciale ne sauve plus, elle enregistre. Il ne s’agit plus de redresser, mais d’acter. De constater. Le rythme judiciaire s’accélère, les issues sont souvent fatales. 65.000 postes sont directement menacés par ces dépôts de bilan. C’est moins qu’au premier trimestre 2025, mais largement au-dessus de la moyenne observée ces dix dernières années. Derrière chaque défaut, il y a des outils vendus, des loyers impayés, des familles sur le seuil de la précarité.

Le mois de juin 2025 laisse entrevoir une baisse des procédures dans certains secteurs. Trop tôt pour parler de tendance. Trop fragile pour parler de reprise. Le risque ? Que cette pause ne soit qu’un effet d’optique dû au ralentissement estival des tribunaux.

Ce que révèle ce trimestre, ce n’est pas seulement une persistance des défaillances. C’est un épuisement collectif. Les entreprises tiennent, mais à quel prix ? Retards de paiement, marges rognées, trésoreries vides. Le tissu entrepreneurial ne craque plus d’un coup. Il s’effiloche, lentement. Et pendant que l’économie flotte dans cet entre-deux inquiétant, les dépôts de bilan, eux, continuent de s’accumuler. Sereinement. Froidement. Régulièrement.




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