Où en sont les "villes intelligentes" ?



Mardi 23 Avril 2019
La Rédaction

Malgré les projets phares de Smart city initiés dans de grandes métropoles mais aussi dans quelques villes moyennes, une enquête récente montre un décalage entre l’intérêt que suscite le sujet et la maturité réelle de ce marché.


Les précurseurs

La ville d’Issy-les-Moulineaux est pionnière en matière de « ville intelligente » ou Smart city. Lancé en 2012, IssyGrid est en effet le premier réseau de quartier intelligent en France. Ce réseau a été créé à l'initiative de la Ville d'Issy-les-Moulineaux et de Bouygues Immobilier avec Alstom, Bouygues Energies et Services, Bouygues Telecom, EDF, ERDF, Microsoft, Schneider Electric, Steria et Total… plus quelques start-ups qui apportent leur expertise. Aujourd’hui, IssyGrid regroupe 2 000 logements, 5 000 habitants, 160 000 m² de bureaux et 10 000 employés. André Santini est fier d’affirmer que « pour faire la ville de demain, il faut des “smart mayors” et des acteurs publics qui osent » (1). Le maire d’Issy préfère d’ailleurs parler de « ville collaborative », terme qui « illustre une collectivité qui implique l’ensemble des acteurs, publics et privés, dans la recherche de solutions urbaines plus efficaces dans la gestion, le développement durable et les services à l’habitant. »
 
Une autre métropole, Dijon, a lancé un projet de centralisation des services de gestion de l’espace urbain, confié à un consortium d’entreprises composé du groupe Bouygues, du groupe Suez et de Cap Gemini. Un poste de commandement, unique en son genre, gèrera les différents équipements urbains connectés (lampadaire, feux de signalisation, vidéo-protection, etc.) sur les vingt-quatre communes du territoire (2). En décembre dernier, Marne-la-Vallée a signé une convention de partenariat de recherche-action « Smart & Sustainable City » avec l’Institut pour la transition énergétique Efficacity et l’Université Paris-Est (UPE). L’idée est de réussir dans les quinze ans à venir les projets urbains entre Champs-sur-Marne et Noisy-le-Grand, en adaptant la ville nouvelle à la transition énergétique et écologique (3).

La Smart city n’est pas réservée aux métropoles

En décembre dernier, l’association Villes de France remettait au secrétaire d'Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, un manifeste avec des propositions pour favoriser « l'émergence de la ville moyenne du futur ». A cette occasion, Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France, déclara : « Nos centres-villes sont des écosystèmes riches, à taille humaine, ce qui leur permettra peut-être d’aller plus vite pour réussir la ville intelligente de demain. » Au terme de cette journée, Mounir Mahjoubi a pointé la nécessité de développer la culture de la smart city : « Le numérique peut être l’opportunité de garder les habitants qui seraient tentés de quitter les villes moyennes, de ramener de la fluidité ». Reste posée néanmoins la question de l’ingénierie technique à mettre en place : « Les villes moyennes doivent se réunir, mettre en commun leurs expériences, et grâce à cela on va pouvoir faire baisser massivement les prix. » (4)

La smart city, du rêve à la réalité

Si le sujet génère un large enthousiasme, le marché est encore loin d'être mûr, tant du côté des collectivités que des entreprises des secteurs de la construction et de l'industrie. L'enquête récente menée par « Le Moniteur », « La Gazette des Communes », « L'Usine Nouvelle » et Birdz montre clairement ce décalage (5). Malgré l’intérêt croissant des collectivités et des entreprises qui mesurent bien les enjeux, en fait, « sur toute la France, on ne compte qu’une trentaine de projets », confirme Fabien Cauchi, président du cabinet Métapolis. Selon lui, il faudrait d’abord s’entendre sur le terme de ville du futur. « Les collectivités qui ont déployé du paiement en ligne ou des bornes de contrôle de stationnement avec lecture des plaques d’immatriculation peuvent considérer qu’elles utilisent de la donnée et donc qu’elles font de la ville intelligente », explique Fabien Cauchi. Bien sûr, cela ne suffit pas. Pour preuve, 53 % des entreprises du bâtiment et 44 % de l’industrie déclarent ne pas souhaiter adhérer au label ReadytoServices (R2S), créé en juin 2018 par la Smart Building Alliance et Certivéa. Pire, une entreprise du bâtiment sur trois et une sur deux dans l’industrie ne semblent pas connaître ce label qui est pourtant un des principaux référentiels de smart building.

Les freins actuels

Bien des collectivités ne sont pas préparées. Elles ont besoin de s’organiser, de monter en compétence sur les data avant d’être capable de mettre en place des projets liés à la ville intelligente. « L’open data est la première brique de la smart city », affirme Jacques Priol. Pour l’instant, « la réalité de la smart city, ce sont des métiers techniques de flux comme le traitement des déchets, l’énergie, l’eau, les transports, car dans ces secteurs on dispose de données et de capteurs. Ce n’est donc pas un hasard de voir ces thématiques sortir en premier… », analyse Jacques Priol, qui estime par ailleurs qu’en réalité la plupart des projets en restent à l’optimisation financière : « Ils restent cantonnés aux métiers de flux où on peut mesurer les économies réalisées. »

Parmi les freins divers identifiés dans l’enquête, celui du manque de moyens financiers est la plus souvent invoqué. Pour Denis Thuriot, le maire de Nevers, il y a urgence : « une ville qui ne se connecte pas n’a pas d’avenir […] Il faut du très haut débit pour attirer les entreprises, et il faut aller plus vite sur ce sujet ! ». Jacques Lamblin, maire de Lunéville, renchérit : « Quand on rentre vraiment dans la digitalisation, on met les villes moyennes en concurrence avec les métropoles. »

Absence d’objectifs précis, difficultés de financement… La smart City est encore un vœu pieux plutôt flou. Alors, du côté des promoteurs-constructeurs, reste pour l’instant privilégiée une approche fondée sur le « bâtiment intelligent » du point de vue de la qualité, du confort et de l’ergonomie. C’est ainsi que Marc Villand, président de la chambre Île-de-France de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et président du groupe Interconstruction, apporte une définition : « Un bâtiment à énergie passive doit doit tirer le meilleur parti de son exposition. Un bâtiment intelligent, c’est aussi un bâtiment souple et réversible, avec des espaces communs ou lieux de rencontre, des services, des charges de copropriété limitées et surtout prévisibles. » En somme, du concret à l’échelle de l’immeuble et son quartier, pour le président d’Interconstruction : plutôt que d’imaginer une smart-city utopique à l’échelle d’une métropole, commençons par la rendre possible à la base, avec des bâtiments en phase avec les enjeux de transition énergétique et de connectivité, réversibles dans leurs usages, et permettant la meilleure qualité de vie possibles. Derrière la technologie, n’oublions pas que ce sont bien des lieux de vie qu’il faut (ré)imaginer. « Un bâtiment intelligent doit d’abord être beau. Il ne faut surtout pas oublier l’esthétique », martèle d’ailleurs volontiers Marc Villand.

(1) https://www.lhemicycle.com/andre-santini-faire-ville-de-demain-faut-smart-mayors-acteurs-publics-osent/
(2) https://www.lemonde.fr/la-france-connectee/article/2018/03/14/dijon-premiere-smart-city-de-france_5270728_4978494.html
(3) https://www.lagazettedescommunes.com/597507/marne-la-vallee-laboratoire-de-recherche-action-sur-la-ville-intelligente-et-soutenable/
(4) https://www.lagazettedescommunes.com/597593/les-villes-moyennes-peuvent-aussi-etre-des-villes-intelligentes/
(5) https://www.lagazettedescommunes.com/594876/la-smart-city-du-reve-a-la-realite/








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