Ameublement : l’enseigne Casa ferme, les salariés sans recours



Jeudi 12 Juin 2025
Anton Kunin

L’enseigne d’ameublement Casa ferme boutique en France. Une faillite retentissante mais pas isolée. Au-delà des rideaux baissés, c’est tout un modèle économique qui tangue.


143 magasins, 700 salariés : la déroute d’un réseau intégré

Le 11 juin 2025, l’annonce est tombée : Casa France, pilier discret de l’ameublement grand public, va disparaître du paysage. Le tribunal de commerce de Bobigny devrait entériner la liquidation judiciaire de l’entreprise le 27 juin 2025. Près de 700 salariés seront licenciés, 143 magasins fermeront. Derrière ce naufrage, un scénario devenu familier : dépendance logistique, essoufflement structurel du commerce physique, absence de repreneurs solides. Casa, loin d’être un cas isolé, devient le symptôme d’un modèle en rupture.

Créée en 1975, Casa s’est implantée dans huit pays européens avec plus de 500 magasins. La filiale française, qui représentait une part significative du chiffre d'affaires du groupe, emploie 577 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI) et environ 100 en contrat à durée déterminée (CDD).

Le 11 juin 2025, après plusieurs semaines de redressement judiciaire, la direction a confirmé que les neuf offres de reprise déposées étaient toutes jugées irrecevables. Les conditions fixées par le tribunal — garanties financières, continuité de l’activité, périmètre de sauvegarde des emplois — n’ont été remplies par aucun des candidats. Résultat : la liquidation est désormais inévitable.

Pour les salariés, le couperet tombe sans aménagement. Aucune cellule de reclassement n’a encore été mise en place. Et selon Rapports de Force, nombre d’employés découvrent la fermeture de leur magasin par simple affichette, sans accompagnement ni médiation.

Une dépendance logistique fatale

Le facteur déclencheur est brutal. En mars 2025, Casa International, la maison-mère belge, est placée en liquidation. Or, cette entité centralisait la logistique, les achats, et le système informatique de l’ensemble du réseau européen. La faillite désarticule toute la structure opérationnelle française, incapable d’assurer seule sa chaîne d’approvisionnement.

Dans un communiqué, la direction de Casa France parle d’un « choc exogène indépendant de sa gestion ». Mais cette dépendance verticale à un unique prestataire étranger interroge sur la résilience organisationnelle de l’enseigne, incapable d’assurer sa propre autonomie en cas de crise.

Un secteur à la peine : vers une hécatombe du commerce spécialisé ?

Casa n’est pas la seule victime. Selon les calculs du magazine LSA, 43 enseignes du commerce spécialisé ont été placées en redressement ou liquidation judiciaire en un an. Le secteur de l’ameublement est particulièrement touché, entre la baisse des transactions immobilières, l’inflation des coûts logistiques et la montée du commerce en ligne. L’exemple le plus marquant reste Habitat, liquidé en décembre 2023 après plus de 50 ans d’existence. D’autres enseignes comme Alinéa, Maisons du Monde ou But réduisent leur voilure, rationalisent leur parc de magasins et délocalisent leur production pour survivre. À l’instar de Casa, ces réseaux partagent une même vulnérabilité : un modèle économique basé sur une forte dépendance au trafic en point de vente, une politique de marges étroites, et un système logistique souvent externalisé.

Le repli du commerce physique, accélérateur de faillites

Les chiffres confirment l’ampleur du phénomène. D’après les données de la Banque de France, les ventes en magasin dans le secteur de l’ameublement ont chuté de 15% entre 2022 et 2024, tandis que les ventes en ligne ont bondi de 38% sur la même période. Le profil type du consommateur évolue : plus connecté, moins fidèle aux enseignes, et plus sensible aux prix.
Malgré ses efforts de redressement financier — sa trésorerie est passée de 3 à 15 millions d’euros en quelques mois —, Casa n’a pas su ou pu enclencher sa transition numérique. Résultat : une entreprise piégée entre des loyers commerciaux trop lourds, des marges rognées par l’inflation, et une clientèle en fuite.

Faillites en série : des conséquences sociales sous-estimées

Au-delà du chiffre d’affaires ou des pertes, ce sont les salariés qui paient le prix fort. Faute de plan social anticipé, les employés de Casa risquent de se retrouver livrés à eux-mêmes. L’absence d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à ce jour, et la passivité des pouvoirs publics, inquiètent les syndicats.

Les mesures prévues par le Code du travail, notamment via l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), garantissent le versement des salaires impayés et des indemnités. Mais elles ne créent pas d’emplois. Sans dispositif de reconversion ou relocalisation interne, les 700 salariés risquent d’alimenter une précarité déjà croissante dans les métiers du commerce.







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