De la décision à la circulation : l’émission de monnaie décortiquée



Jeudi 17 Juillet 2014
La Rédaction

Peu importe son support, qu’il s’agisse de chèques, de billets ou de pièces, les Etats comme les ménages ou les entreprises ont confiance en la monnaie pour leurs transactions. Cette confiance est le résultat d’un processus complexe, réglementé et ultrasécurisé. Et si ce processus fait naturellement appel aux institutions monétaires nationales ou supranationales, nombre d’acteurs privés y participent également.


Pourquoi la monnaie ?

Le troc est une forme d’échange de produits à un instant donné, et tant la quantité que la qualité des biens échangés peuvent évoluer dans le temps. L’avantage de la monnaie permet justement de conserver une stabilité en valeur et en nombre des unités échangées. L’unité de monnaie autorise donc des échanges transactionnels simples et fiabilisés. La monnaie est un intermédiaire et un facilitateur d’échanges. Sa diffusion et son efficacité est dépendante de la valeur que lui reconnaissent ses utilisateurs, raison pour laquelle la monnaie a d’abord eu pour support des matériaux à la valeur intrinsèque indiscutable, comme l’or ou l’argent.

Mais l’extension des échanges commerciaux a nécessité des supports de monnaie bien plus nombreux, que ne pouvait absorber l’offre de métaux précieux. La monnaie est progressivement devenue « fiduciaire », sa valeur reposant sur la confiance et les contreparties assurées par l’émetteur. Mais « cette capacité de transactions accrues nécessite l’intervention d’institutions créatrices de monnaies » (*). Les banques centrales, adossées à la crédibilité et à la légitimité d’un Etat (ou d’un groupe d’Etats) sont nées à ce moment. Elles gèrent entre autres les émissions de monnaie selon l’activité économique d’un pays. 
D.R.
D.R.

La décision d’émission

Les banques centrales comme la Banque Centrale Européenne (BCE), ou la Federal Reserve Bank (FED) américaine sont chargés d’émettre la monnaie : elles décident des quantités émises et des dates d’injection de ces quantités dans l’économie. Elles décident éventuellement des zones à privilégier, dans le cas de grands espaces économiques comme l’Europe et les Etats-Unis. Les banques centrales décident de ces paramètres selon un ensemble complexe d’indicateurs incluant taux d’inflation, taux de changes, prévision de croissance, et orientations de la politique monétaire.

Les banques commerciales sont les principaux intermédiaires des banques centrales pour la diffusion de la monnaie dans l’économie. Mais la création de monnaie est conditionnée par deux facteurs : les réserves obligatoires, c’est-à-dire le pourcentage des dépôts que les banques commerciales doivent déposer auprès des banques centrales, et le taux de refinancement, c’est-à-dire le coût du crédit que les banques commerciales peuvent souscrire auprès des banques centrales pour emprunter des liquidités.

Si la très grande majorité des échanges monétaires se fait aujourd’hui de façon dématérialisée, du moins dans les pays de l’OCDE, 10% des échanges monétaires font encore appel à de la monnaie physique. Mais si les banques centrales sont seules habilitées à décider des émissions monétaires, elles ne sont pas forcément à l’origine de la création de monnaie, au sens de fabrication des supports physiques de la monnaie.

Qui « fabrique » la monnaie ?

Contrairement à une idée reçue, les banques centrales n’ont pas nécessairement  d’infrastructures adaptées pour frapper pièces et billets. L’impression des billets et la frappe des monnaies sont des métiers techniques, du ressort de l’industrie de haute technologie.

En France, le droit de battre monnaie revient à la Monnaie de Paris, plus ancienne institution française qui fête cette année ses 1150 ans. La monnaie de Paris « assure la mission de service public de frappe des euros courant pour la France et d’autres devises étrangères. Elle cultive depuis treize siècles une haute tradition dans les métiers d’arts liés au métal et est à ce titre membre du Comité Colbert, qui regroupe les entreprises françaises du luxe », selon les mots de Christophe Beaux, son PDG. Nettement moins copiées que les billets, les pièces n’en font pas moins appel aux derniers raffinements de la technologie. Pour remplacer la vénérable pièce d’une livre facile à contrefaire, le Royaume-Uni vient d’ailleurs de frapper une pièce réputée inimitable.

Dans le domaine des billets, largement plus sujets aux tentatives de contrefaçons, la France possède un outil performant avec l’imprimerie de la Banque de France à Chamalières. L’institution a investit plus de 20M€ pour produire la dernière coupure de 5€ et réaliser près de 20% des commandes de la BCE. Mais notre pays compte aussi parmi ses industriels un des leaders mondiaux de l’impression dite de haute sécurité. Depuis trois décennies, après la reprise de l’imprimeur éponyme en difficulté, la famille Savare développe Oberthur Fiduciaire, qui conçoit et produit aujourd’hui les billets pour 70 pays et participe notamment à l’impression de certains billets en euros. Thomas Savare, son actuel dirigeant insiste sur le virage technologique pris par l’entreprise : « l’impression fiduciaire et de sécurité est une activité industrielle à très fort contenu technologique. Certes, la monnaie papier existe déjà depuis des siècles mais les billets d’aujourd’hui n’ont presque plus rien de commun avec ceux de jadis ni même avec ceux mis en circulation voici quelques années. Ce sont de véritables condensés de technologie et le fruit d’une innovation permanente. » Au-delà de la lutte anticontrefaçon, l’entreprise participe à l’étape suivante de la circulation monétaire, et lutte également, via sa filiale Oberthur Cash Protection, contre le vol de billets. 

De la fabrication à la circulation : diffusion sous haute surveillance

Puisqu’il devient de plus en plus difficile de contrefaire des billets, la sécurité porte de plus en plus sur l’étape post-fabrication des billets. D’autres technologies sont impliquées sur le reste de l’itinéraire d’un billet de banque : conditionnements de haute sécurité, traceur GPS, boites noires sur les véhicules de transport de fonds… Des sociétés comme Proségur, Loomis ou CashGuard misent sur la protection technologique comme argumentaire de vente. But de la manœuvre : dissuader les voleurs éventuels par destruction des valeurs transportées en cas d’effraction ou simplement de changement d’itinéraire pendant le transport. Une fois à destination, généralement les banques commerciales, la monnaie poursuit son chemin de manière moins contrôlée : DAB et comptes ou poches des entreprises, consommateurs et contribuables.

Même les transactions dématérialisées, de plus en plus courantes n’échappent pas à la vigilance des autorités monétaires et aux technologies de surveillance. Les jeux d’écritures permettent de sécuriser les transactions, mais nul n’est à l’abri d’une escroquerie. Pour réduire à l’état de néant les fausses écritures, et diffuser la monnaie en toute sécurité, des éditeurs de logiciels ultraperformants sont nés. C’est le cas de Claranet, jeune ETI née en 1996 et partie d’un noyau familial, qui compte plus de 700 salariés aujourd’hui. Cette entreprise a misé sur la sécurisation des échanges de données, notamment monétaires entre banques, commerçants et clients. Les « services sont [maintenant] managés par des spécialistes » selon le dirigeant de Claranet, Charles Nasser.

Mais si la monnaie virtuelle peut disparaitre d’un simple clic, ce n’est pas le cas de la monnaie physique. En fin de vie, les pièces sont généralement recyclées pour le métal qu’elles contiennent, alors que les billets sont la plupart du temps détruits et compactés. Si la Banque de France a fait le choix à une époque d’offrir les « briques » de billets usagés en souvenir, la banque centrale brésilienne a suggéré, elle, d’en faire… de l’engrais.
(*) Monnaie et politiques monétaires, Michel. Voisin 128p. ed. Bréal, 2006







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